⋄ LE PLAN DE LA RÉGION.

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C’est étrange. Je vais vous parler d’une région où je ne suis pas né. Une région qui m’a simplement adopté lorsque j’ai eu l’âge de choisir. Je suis né à Calidum, dans une famille plutôt nombreuse, dans un coin plutôt reculé. J’ai grandi entouré de mes frères et sœurs et rien d’autre autour que des arbres, quelques rivières et le silence d’une contrée immense. J’ai toujours pensé être un peu bancal, parce que je n’aimais pas cette immensité, ce calme, cette solitude que les membres de mon clan chérissent tant. Alors, lors de la cérémonie, j’ai décidé de me greffer au clan Noctis. J’ai visité plusieurs fois Frigidum lorsque j’étais môme et je me suis toujours dis, au fond, qu’un jour, je vivrai là.

Voilà bien des années que Frigidum m’a adopté. J’ai désormais passé plus de temps dans cette région que dans ma région natale. Et Calidum ne me manque pas. Je rends souvent visite à mes parents, l’air de la campagne me fait du bien et puis, je reprends mon souffle lorsque je retrouve l’air marin du lac, lorsque mes yeux, désormais habitués, se posent sur les couleurs criardes de nos maisons. D’ailleurs, voici la mienne. Je ne l’ai pas construite, elle appartenait à un couple de vieillards à qui je l’ai rachetée. Ils ont décidé de vivre leurs vieux jours sur une péniche, plus loin, sur le lac. Je l’ai repeinte. A l’origine, elle dénotait un peu, n’était pas assez vive. Ils avaient choisis un bleu un peu trop clair à mon goût. Ce rouge vif est bien plus adéquat. Regardez autour de vous. Les anciens ont décidé de faire de Frigidum un léger remake de Venise et ses îles colorées. Tout le monde a suivi l’idée et nous nous retrouvons aujourd’hui avec une ville immense, que l’on aperçoit certainement depuis l’espace, tant elle est tape à l’œil.
Je m’excuse si nous ne nous entendons pas très bien mais ici, on crie pour se faire entendre. On s’appelle d’un balcon à un autre, d’un bout à l’autre d’une rue. De sept heures le matin à vingt-deux heures le soir, Frigidum est en mouvement et il n’y a pas une seule seconde de silence. On aime se retrouver sur le pas de nos portes pour discuter. On aime également boire un verre au bar du quartier. Il doit y avoir une bonne vingtaine de bars en tout, à chaque coin de quartier, pour que personne ne manque. Et tous les bars sont toujours pleins. Nous n’aimons pas être seuls, je crois que vous l’avez saisi. Tiens, salut Eden, ta petite va mieux ? Tant mieux. Pardonnez-moi, où en étions-nous ?
Tous nos quartiers mènent au port, qui est un peu le point central. Il donne sur le lac Stella, appelé ainsi parce qu’il brille. Jour et nuit. Je vous assure, je n’y croyais pas non plus jusqu’à ce que je le constate de mes propres yeux. Tous les matins, à l’aube, avant de rejoindre Media Urbs pour aller travailler, les pêcheurs s’activent partent au loin et reviennent avec une cargaison de bons poissons d’eau douce. Ils les vendent sur le port, toutes les semaines. Le reste est distribué aux espaces partagés. Nous nous retrouvons également ici, souvent, autour d’énormes banquets qui n’en finissent plus. Nous aimons manger, bien, et nous retrouver. Appartenir au clan Noctis, c’est appartenir à une famille, vous savez.
Ce que vous apercevez sur votre droite, c’est une plage, immense, de sable fin. Personnellement, j’adore emmener ma famille le week-end sur cette plage qui n’en finit pas, pique-niquer et me baigner. L’eau est d’une douceur incroyable et paraîtrait-il qu’elle a des vertus médicinales. Mais ça, personne n’a jamais su le prouver. Sur votre gauche, la forêt. Je n’y vais jamais, elle me rappelle Calidum. Moi, c’est la promiscuité de notre village qui me plaît, les ruelles bondées, les habitants qui crient, s’engueulent et se rabibochent. C’est l’odeur du poisson le matin, le sable qui s’infiltre partout dans nos vêtements, les sourires des habitants que l’on croise tous les jours, qui nous sont familiers même s’ils habitent à plusieurs rues de là. Farouk, 46 ans, clan Noctis.